Refuge(s): Episode 1

La justice au prix de l’exil 

Dublin, pour une personne en quête de protection dans l’Union européenne, c’est avant tout la procédure qui lui impose l’État dans lequel elle peut faire une demande d’asile.

En effet, si l’incapacité des Etats de l’Union européenne à mener une politique d’asile commune fait régulièrement la Une des médias, le contrôle des frontières extérieures de l’Union, et la maîtrise de la circulation des personnes en demande d’asile sur son territoire, ont fait l’objet d’un accord conclu à Dublin dès 1990, avant même la création de la communauté européenne.

Ce texte, modifié depuis à plusieurs reprises, prévoit notamment que la demande d’asile d’une personne doit être examinée par le pays européen qui lui a délivré un visa, ou, si elle n’a pas de visa, par le pays dans lequel sa présence a été enregistrée pour la première fois.

Concrètement, ces critères l’empêchent de déposer une demande de protection dans le pays de son choix. Peu importe quelles langues elle maîtrise, son attachement personnel ou culturel à un Etat.

Dans certaines situations, ces critères peuvent être écartés, notamment pour éviter la séparation des membres d’une même famille : c’est ce qu’on appelle le principe d’unité familiale. Sauf que ce principe est appliqué très strictement, et ne tient pas compte des contours variables, de la notion de lien familial. Par exemple, le conjoint, dans le règlement Dublin, c’est la personne avec laquelle on est marié civilement. Point.

Journaliste et militante pour les droits des femmes en Guinée, Aisha Diallo avait déjà obtenu un visa pour la Roumanie dans le cadre de déplacements professionnels. Redemander un visa roumain était pour elle le moyen le plus rapide de rejoindre l’Europe dans l’urgence de sa fuite.

Elle est donc arrivée en Europe par la Roumanie, où elle est restée bloquée de longs mois malgré le fait que son mari était déjà réfugié en France, leur union, religieuse, n’étant pas reconnue par les règles dites Dublin. Lorsqu’elle a finalement réussi à atteindre le sol français, son parcours de demande d’asile en France a commencé par un placement en procédure Dublin, prévoyant son renvoi vers la Roumanie. Ce n’est qu’après de longs mois qu’elle a pu formuler sa demande de protection auprès de l’ Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Aïsha nous raconte ses résistances quant à ce statut de demandeur d’asile, qui semble suspendre tout pouvoir d’agir et de décider pour elle-même. En effet,  les demandeurs d’asile ont l’interdiction d’exercer toute forme d’activité professionnelle pendant au moins 6 mois. elle nous raconte, surtout, l’urgence à retrouver une indépendance, une place, des projets, dans cette société qu’elle n’a pas choisie, et qui ne l’a pas encore accueillie.

Le témoignage d’Aisha Diallo a été enregistré au mois de mai 2021. Le 5 septembre suivant, le Président Alpha Condé a été arrêté par un commando des forces spéciales de l’armée, dirigé par le colonel Mamady Doumbouya. Aujourd’hui la situation est toujours très tendue et le régime politique loin d’être stabilisé. Aisha, de son côté, a obtenu son statut de réfugiée en juillet 21, plus de deux ans après avoir fui la Guinée.

Pour aller plus loin…

  • Sur la procédure « Dublin » et les droits des demandeurs d’asile :

Notre site internet info-droits-etrangers :

https://www.info-droits-etrangers.org/sejourner-en-france/lasile/les-droits-des-demandeurs-dasile/

Notre article sur les limites de la politique de l’Union européenne en matière d’asile :
https://www.rue89lyon.fr/2019/05/17/sur-limmigration-lunion-europeenne-est-un-colosse-aux-pieds-dargile/

Le site du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés :
https://www.unhcr.org/fr/

Guides synthétiques des étapes de la procédure Dublin à destination des personnes concernées et de celles qui les orientent :

Par le GISTI (groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés)
http://www.gisti.org/spip.php?article5153

Par la CIMADE :
https://www.lacimade.org/dubline-vous-avez-dit-dubline/

  • Sur la situation géopolitique en Guinée-Conakry :

https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/guinee-douze-ans-apres-le-massacre-du-stade-encore-plus-d-incertitude

https://www.article19.org/fr/resources/guinea-call-for-human-rights-and-democracy-to-be-protected-following-military-coup/

Les ressources mobilisées par la Cour nationale du droit d’asile sur la Guinée Conakry :
http://www.cnda.fr/cartables/guinee-conakry.htm

 

 

Terrain d’écoutes est un podcast de l’ADATE. La série « Refuge(s) » a été réalisée par Eloïse Bernon, Natacha Fresko, Milena Le Saux-Mattes et Emmanuelle Trocmé. Elle a été rendue possible par la contribution financière de Grenoble Alpes Métropole, dans le cadre du contrat territorial d’accueil et d’intégration des réfugiés conclu avec l’Etat. Charlotte Ducloux a contribué, pendant son stage, à la préparation de plusieurs épisodes. Les quatre créatrices de ce podcast ont été formées par l’association lyonnaise TILLANDSIA. Fabrice HUGUES a créé la musique d’introduction et de conclusion, et Bénédicte Trocmé le visuel de la saison Refuge(s).

Musiques

Introduction et Conclusion : Wake Up  par Fabrice Hugues

 

 

Disponible sur différentes plateformes de podcasts :

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